合気道の冬

合気道の冬

vendredi 30 septembre 2016

Un an d’Aunkai ça m’a apporté quoi ?





Après 2 week-end de stage avec Miyakawa , un des plus anciens élève d’Akuzawa , à Paris puis à  Montpellier, deux stages intensément riches par leurs apprentissages et questionnements,  éprouvant aussi par la différence des ambiances, des personnes, les nouveaux, les anciens, tout ce que chacun apporte à un stage, son savoir, ses attentes mais aussi sa personnalité, ses amitiés et inimitiés car  L’Aunkai  n’est pas un Bujutsu que l’on pratique comme un loisir, pas pour moi du moins, on ne parle jamais bien que de soi n’est-ce pas, il implique l’être entier, après ces week ends, donc,  me voici plongé dans un autre univers, loin du « monde moderne, dans les montagnes corses, là où la voiture s’arrête, où le portable ne passe même plus.

Je suis sorti des stages, de ce chemin en soi que, pour moi, l’Aunkai apporte, pour retrouver des gens qui s’investissent dans l’aide à l’autre, dans ce projet qu’il me tient à cœur d’accompagner, le projet « Po’oz », qui veut aider des jeunes perdus à ne pas quitter la route, je suis passé du regard intérieur au regard extérieur, du questionnement personnel à l’échange autour de la table, toujours pour faire avancer des choses. 

C’est autour de cette table que j’ai croisé un jeune adulte venu partager son point de vue et qui au fil de la discussion du soir m’a posé la question suivante :

« Je cherche un art martial plus cool (je ne citerai bien sûr pas celui qu’il pratique à l’heure actuelle), cet art martial, l’Aunkai, tu dirais qu’il t’a apporté quoi au bout d’un an ? »

C’était une très bonne question et j’ai eu envie de partager la réponse.

En novembre, cela fera un an que j’ai démarré l’Aunkai. Après 15 ans de pratique Martial au travers d’autres arts, principalement l’Aikido, cherchant toujours une voie qui se rapproche de mon vécu, de mon expérience, proche par sa pensée du chemin d’Ueshiba, quelque chose m’a attiré dans l’Aunkai. Quelque chose en moi a résonné dès mon premier cours et l’écho de cette résonance n’a fait que croitre avec le temps.

J’ai mis en pause l’Aikido pour plonger dans ce Bujutsu dont les Kyoshi et les pratiquants parlaient avec tant d’étincelles dans les yeux.

J’ai eu la chance en une petite année de rencontrer les 2 hanshi de l’école,  Manabu Watanabe et Mayakawa Kazuhisa. La manière dont ils enseignent, très proches du pratiquant, toujours prêts à réexpliquer, corriger, encourager, mais aussi ce qui se dégage de leurs personnes m’a beaucoup plu, il émane d’eux une simplicité et un partage devenus un peu trop rares de nos jours dans les dojos.

La pédagogie par les Images de Miyakawa m’a surtout parlé car en dehors de la place et l’importance que peut prendre cet élément dans la pratique, c’est une chose qui me parle énormément, je l’utilise moi-même lorsque j’explique mon travail d’énergéticien ou lorsque j’enseigne dans ma spécialité.

Cela m’a donné encore plus envie de rencontrer Akuzawa sensei même si l’idée de rencontrer quelqu’un de son niveau est toujours impressionnant.  Lors de ma première formation intensive (FI),, la rencontre n’a pas été pour moi pas celle d’un pratiquant qui rencontre un Maitre de Bujutsu, Fondateur de sa propre école qui plus est, mais plutôt la rencontre d’un pratiquant qui rencontre un homme qui parle avec son cœur et qui a développé un langage qui est l’Aunkai. 

Cette semaine de formation fait partie de ce que l’on appelle les « vraies rencontres », celles dont on sait très vite qu’elles influenceront les années à venir. Le langage de l’Aunkai m’a parlé de manière très profonde, un langage d’âme à âme, si je devais trouver une image. 

Il n’a pas été facile pour moi d’aborder le « maître ». Mais je voulais essayer de mieux comprendre en le ressentant au niveau énergétique afin de comprendre comment cela pouvait se passer à l’intérieur de lui et aussi sur ce que j’avais ressenti et perçu pendant la pratique, Il me fallait passer la barrière de la langue, mon anglais est médiocre alors vous imaginez le japonais ! Akuzawa sensei est quelqu’un de très ouvert et j’ai pu le faire. En me lançant ainsi je me suis dit que j’allais peut-être trouver un moyen de dialoguer avec lui avec des mots simples. 

Aujourd’hui je le ne regrette pas de l’avoir fait.  J’ai pu, en dehors des journées sur le tatami et après le stage, avec d’autres pratiquants, découvrir en Akuzawa sensei un homme très sensible proche des gens et surtout curieux de tout.

Mais c’est lorsque j’ai eu l’opportunité de le soigner que mon échange avec Akuzawa a pris un autre tournant. En début de semaine c’était la rencontre d’un Maitre et d’un pratiquant, à la fin l’impression était davantage celle d’un chercheur qui en avait croisé un autre, moi dans mon domaine et lui dans le sien.

Alors, j’ai commencé à écrire au sujet de l’Aunkai, pour partager mon retour, sans doute différent par mon parcours dans l’énergie, tout en essayant de traduire, dans ce langage qui est le mien, ce que Akuzawa disait. 

Même si j’écris beaucoup, l’écriture n’est pas mon mode d’expression le plus facile. Mais j’avais trouvé dans l’Aunkai un langage qui, toujours pour moi, permet d’accéder à quelque chose de bien plus grand que le Bujutsu lui-même, à quelque chose de bien plus profond que la pratique. Et puis avoir pu, à l’occasion, encore échanger avec Akuzawa Sensei de vive voix, (merci à David pour sa traduction en direct) ne pouvait que me renforcer dans ce que je ressentais.

Alors à ce jeune adulte qui me posait la question, moi qui suis encore nouveau pratiquant dans cet art, j’ai répondu :  

« L’Aunkai peut t’amener à la rencontre de toi même si tu prends le temps d’écouter. Pour moi c’est cela que l’Aunkai apporte et c’est essentiel sur son chemin. 

De par mon « métier », je suis souvent face à moi-même parce que face à la douleur, à l’attente de l’autre, au questionnement du pourquoi, du comment je fais et ce que je peux creuser pour faire encore mieux. L’Aunkai me plonge en moi par une autre voie et c’est très bénéfique, plus on creuse en soi plus on s’apaise et plus on va loin.

Ce ne sont pas les années de pratique qui font cette rencontre intérieure mais l’intensité que tu donnes à ta pratique, un élément essentiel rappelé par Miyakawa au sujet Tanren lors de sa venue. 

Ce qui est aussi fort dans l’Aunkai c’est que tu peux appliquer cela dans ta vie de tous les jours pour avancer quand tu es perdu et je ne parle pas de technique je parle d’humainement. C’est l’état d’esprit que te demande l’Aunkai pour l’approfondir qui t’y amène ».

Cette réponse je la ferai encore si l’occasion se représente.

Aujourd’hui, ma prochaine étape sera celle d’une seconde rencontre en chair et en os avec Akuzawa sensei au Japon. Je ne sais pas encore ce qu’il ressortira de ce moment car chaque nouveau moment est un nouvel univers à explorer, avec ces aléas, ces éléments humains, ces découvertes, mais l’important c’est de garder le cap pour arriver à destination.

Il est des rencontres qui peuvent vous transformer, l’Aunkai a cet effet sur l’âme je pense et ce qui a effet sur l’âme a effet sur la vie.



mercredi 21 septembre 2016

Le Sabre de Vie


De retour d’un très intéressant stage d’Aunkai avec Miyakawa Kazuhisa, le plus ancien élève de Minoru Akuzawa, m’est revenu à l’esprit un vieux texte de Yagyu munenori  柳生宗矩

« Heihō kadensho 兵法家伝書 » 

qui parle d’un élément à la fois invisible et bien concret.

Un passage parle du Grand potentiel (Daiki 大機 ) et la Grande fonction (Daiyu 大用 ) c’est-à-dire de la substance même des choses et de leur fonction.
Pour expliquer le sens qu’il donne à ces termes, l’auteur s’appuie sur des exemples :

•    L’arc est substance.  Tendre, relâcher, toucher la cible sont les fonctions.
•    La lanterne est substance. La lumière est sa fonction.
•    Le sabre est substance. Couper et transpercer sont ses fonctions.
•    Le prunier est substance.  Ses fleurs, ses fruits et sa couleur sont ses fonctions.

Ainsi par ces images et les explications qui les accompagnent, il veut en venir au fait que le potentiel de l’être est substance et les manifestations extérieures ainsi que les différentes actions ne sont que des Fonctions.

Le sens profond de tout ceci peut être détaillé par l’image du prunier qui lui possède une substance, les fleurs s’épanouissent à partir de cette substance les couleurs apparaissent et leur parfum s’exhale.
Pour dire que le potentiel se trouve à l’intérieur tandis que sa fonction s’exprime à l’extérieur.

Ce que nomme Yagyu munenori  柳生宗矩  comme le Grand potentiel (Daiki 大機 ) c’est la liberté totale de l’être qui lui permet toute action (donc fonction ) dans le combat. C’est cela qu’il nomme la Grande fonction (Daiyu 大用 ), et c’est cela qui permet le dépassement des limites de l’enseignement ordinaire.

Une sentence Zen dit :

Daiki daiyu hayaki kotokaze no gotoshi (大機大用疾如風)
« La fonction suit le potentiel aussi rapidement que le vent »

•    Le Ki de Daiki 大機 fait référence au travail intérieur de l’esprit,
•    Tandis que le Yu de Daiyu 大用  se réfère aux actions qui manifestent ce travail intérieur
•     Dai 大 réfère à Grand (au sens divin des choses).

Par-là, Yagyu munemori  dit que si le potentiel n’est pas toujours maintenu à l’intérieur, la Grande fonction a peu de chance de se manifester.
Le potentiel vu par Yagyu munenori  柳生宗矩  c’est le ch’i ;

Il est appelé potentiel du fait de l’endroit où il siège. Dans sa conception, l’esprit est intérieur tandis que le ch’i est à l’entrée. Le potentiel est un pivot comme le serait le gond de la porte.

Yagyu munemori veut nous faire comprendre par cela que si l’esprit est maitre du corps il est aussi la personne qui siège à l’intérieur.

Dans la partie du texte qui elle traite du Sabre instrument de mort, il y a un élément qui parle de 

MUNEN 無念 non-pensée.

Il y est dit que « Ne penser qu’à gagner est une maladie. Ne penser qu’à faire usage de l’art martial est une maladie. Ne penser qu’à montrer le résultat de votre entrainement est une maladie ».

La « maladie » dans le texte est une forme de fixation qui fige les choses et n’oublions pas que, dans le bouddhisme, sont bannies toutes formes de fixation.

Pour parvenir à attendre le niveau de non pensée, il existe paliers pour permettre de chasser la maladie.

Ces 2 paliers sont :

  • Shoju (初重) le niveau préliminaire. 
  • Goju   (後重) le niveau profond.

Le niveau préliminaire consiste à chasser la pensée par une autre pensée et c’est cet enchaînement de pensées qui finit par chasser tout forme de pensée fixe de l’esprit.

Cette première étape a pour but d’aider à appliquer le deuxième niveau, le niveau profond, qui lui va consister à chasser toute pensée sans penser à vouloir le faire, car la pensée même de chasser une idée par une autre est une maladie.

L’objectif est donc de s’abandonner à la pensée et poursuivre son chemin malgré elle. De ce fait, elle nous traverse comme un courant d’air sans avoir d’impact sur notre être.

Le MUNEN 無念 non-pensée était un élément important pour la pratique de l’Aïkido que
Nobuyoshi Tamura 田村信喜, enseignait et qu’il répétait souvent.

Ce texte et ce que l’on y découvre expliquent très bien les choses sur notre nature, sa compréhension et la manière de dépasser ce qui nous bloque.



mercredi 7 septembre 2016

Aiki d'Ueshiba, Aunkai d'Akuzawa, chemins martial, chemins de vie





Il y a peu, plongé dans ma réflexion sur le corps et sa place dans la pratique martiale, j’ai retrouvé un texte peu connu de Morihei Ueshiba : le texte parlant du Shochikubai.

C’est à la suite de cette expérience qu’O Sensei a arrêté l’entrainement de l’Aiki qui était jusque-là son outil principal de travail.

En le relisant j’ai été interpellé par le fond du texte, au-delà du récit de l’expérience mystique, c’est très proche du chemin de recherche et de travail d’Akuzawa Sensei.
Les deux parlent d’un travail intérieur, d’une force intérieure, chacun avec ces mots et ces expériences de vie, mais le point commun dans la direction demeure.

Akuzawa Sensei m’a dit un jour « cela fait bien longtemps que je n’utilise plus mes muscles, c’est pour cette raison que je ne m’échauffe plus » et il suffit de l’observer sur le tatami pour sentir agir la force qui jaillit de lui. Ueshiba, de son temps, insistait beaucoup sur ce phénomène de jaillissement des techniques que l’on retrouve chez Akuzawa. 

Akuzawa parle beaucoup du « travail sur soi » tout comme Ueshiba qui lui en parlait avec des réferences et des pratiques de la religion shinto comme par exemple le « misogi » (la purification du corps sous une cascade).

Nobuyoshi Tamura racontait que lorsqu’il étudiait avec O sensei, alors qu’il était jeune, que 50 années les séparaient et que leurs centres d’intérêts étaient différents, il ne s’intéressait pas du tout à la philosophie de O sensei ni à la pratique du Shintoisme.

Comme tous les jeunes, disait-il, ce qu’il voulait, s’était développer sa force physique en découvrant les mystères  de la puissance que cachait l’Aikido de Ueishiba. Devenu vieux à son tour, il comprenait pourquoi O Sensei s’intéressait à ces sujet et ce qu’il essayait de leur faire apprendre : comment au travers de l’aïkido, ils pouvaient se défaire de leur illusions pour commencer à découvrir leur réalité sans laquelle la force ne peut jaillir.

田村信喜


Mais il est difficile de faire entendre cette voix là parce qu’il y a toute cet aura de mysticisme, de spiritualité, qui dérange. 

Le témoignage de Tamura Sensei en est une preuve car, au delà de l’âge, je pense que c’est avant tout un problème d’état d’esprit. 

Et pourtant, tout ceci c’est le Ki, l’énergie. L’énergie est harmonie, elle est la réunion des contraires, de la force et de la douceur, de l’ombre et de la lumière, de la volonté d’être et d’être ce que l’on est réellement. 

Pour parvenir à utiliser le Ki, il faut parvenir à être en harmonie avec ce qui nous entoure et donc nous.

L’Aunkai ne propose pas un travail de musculation ou de formation du corps pour obtenir un résultat optimal. Il propose un travail de prise de conscience qui passe par des mouvements demandant un ressenti intérieur qui va en s’approfondissant et qui dépasse la structure physique.

Le « travail sur soi » d’Akuzawa que l’on retrouve dans la voie de l’Aiki d’Ueshiba, c’est un travail de transformation de l’être intérieur, de sa capacité à dépasser son corps, cerveau compris, pour passer à son esprit, son « âme ».



L’expérience que vit O sensei dans ce texte c’est cela
Ce travail vise à oublier l’égo (être le meilleur, le plus fort) pour devenir soi, pour pouvoir ressentir combien la force est inutile quand la perception de l’énergie, du ki, est présente.

Quand l’être parvient à résoudre ses conflits intérieurs, ceux qui l’amènent aux conflits extérieurs, il peut oublier la volonté, il cesse de se poser des questions, il atteint le «ne pas penser » que Tamura Sensei prêchait sur les tatamis.

Le travail sur la force intérieure, sur soi, qui amene à la perception et à l’utilisation de l’énergie est un travail transversal en art martial, il est la force et l’incontournable intérêt de l’Aunkai.


Tenir l’équilibre des Tanren ne demande pas d’être musclé ou simplement de chercher à tenir l’équilibre, il demande à pouvoir ressentir l’axe qui nous relie du ciel à la terre, axe qui dépasse les axes corporels.

Akuzawa Sensei aime particulièrement travailler dans la nature. Dans la nature on peut ressentir l’harmonie, l’énergie qui sous-tend tout.


Morihei Ueshiba n’a pas eu le temps de partager sa compréhension de la profondeur de l’aiki et de sa voie, Akuzawa Sensei le fait, par le geste, avec peu de mots, mais dans ces mots, chacun prend son sens, qu’il ne faut pas altérer, chose hélas rendue difficile par les traductions et les mauvaises compréhensions.



L’Aunkai est un chemin de vie autant qu’un chemin martial, parce que l’art martial vu par Akuzawa Sensei comme il était vu par Ueshiba, n’est pas un art de combat mais un art de paix.



On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. 
Antoine de Saint-Exupéry
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Note : Les carnets de Takemusu Aiki, Vol. 1, « le corps et le sabre selon Ueshiba Morei », pages 37-39. Editions du Cenacle.