Après de longues années de pratique
de l'aikido je me rends compte de la diversité des perceptions et
reproductions d'un geste parmi les pratiquants …
Chaque personne est differente dans
cette approche de l'observation …
Il ne suffit pas de voir pour
reproduire … Pourtant certaines personnes ont cette capacité à
intégrer le mouvement en un instant (une capacité qui doit être
développée dans le monde martial).
Leur capacité vient d'une multitude
d'élements divers ( connaissance de son corps , pratique d'autres
arts martiaux , mémoire visuelle , etc. )
il y a pourtant souvent une phase
manquante .. celle de la réflexion, du pourquoi ?
Pourquoi je fais mon mouvement comme
cela ?
Le mouvement a été pensé, structuré,
pour être efficace … Ce qui devient paradoxal, c'est qu'il ne doit
plus être pensé pour sa réalisation. Pourquoi ? Pour laisser
notre esprit ouvert au ressenti.
Mais revenons à la réalisation de la
technique.
L'esprit a une capacité d'intégration
importante. Pourtant , il ne lui vient pas à l'idée forcément
de rassembler toutes les informations pour voir si elles peuvent
s’emboîter l'une dans l'autre, ceci afin d'arriver à une
conclusion et donc à une application dans notre geste.
La place du sabre dans l'Aikido est
indaignable . Pour les personnes qui pensent encore aujourd'hui
que les armes n'y sont pas n'essentielles, je renvoie a une
interview de Toshiro Suga ..
Le sabre est un outil dans notre
Recherche, très instructif dans une logique d'utilisation du corps.
Dans sa pratique du Sabre O sensei avait lui même intégré des
mouvements de Yari (槍) (une
lance Japonaise) ;
Tamura Sensei lui même insistait sur
la pratique du sabre car il y a une logique à comprendre dans cette
pratique. Il ne faut pas s’arrêter à la forme mais plutôt aller
à la recherche de la logique du mouvement.
Tout se retrouve dans tout . Que
les domaines soient éloignés et même sans aucun rapport entre eux,
si on cherche à voir les choses, on trouve les connexions entre elle
Quand j'ai debuté l'aikido j'ai
entendu dire :
« Tamura sensei peut connaître
ton niveau rien que sur l'application de Ikkyo »
Plus le temps passait, plus cette
phrase a fait son chemin dans mon esprit, comme une musique que l'on
écoute plusieurs fois et qui, avec le temps, ne sonne plus de la
même façon.
A l'époque, je faisais Ikkyo
machinalement sans analyser ce que je faisais. Avec le temps et les
rencontres , mon Ikkyo a évolué.
Dans un mouvement instinctif, la
plupart du temps le muscle est l'acteur principal. Quand la
philosophie du geste est d'être dans le relâchement et l’absence
de force (l'article de Leo Tamaki),
on ne fait pas le rapprochement avec une coupe au sabre et
pourtant...
C'est cela une coupe au sabre :
pas de tension, du relâchement, l'absence de force.
Sur une attaque Shomen (donc une coupe
de la main sur le sommet du crane ) :
Au lieu de prendre le bras de l'autre
et tirer dessus en forçant, il faut voir son bras comme s'il était
le manche du Sabre ( la tsuka ) et l'utiliser pour couper comme on le
ferait avec le sabre;
Comme on abaisserait le sabre, on
abaisse le bras.
![]() |
Kuroda Tetsuzan (photo Sébastien Chaventon) |
En faisant ainsi, le mouvement va
couler de lui même sans aucune force, dans un relâchement total et
l'attaquant sera amené au sol très facilement
Le jour où j'ai commencé à appliquer
le principe de la coupe au sabre quand je devais faire Ikkyo, je suis
entré dans un autre monde. Il a juste fallu à mon esprit de faire
le lien entre le sabre et la pratique à main nue pour changer
complètement de niveau.
J'invite tout pratiquant, si ce n'est
déja fait, à aller dans ce sens de recherche afin de découvrir et
appronfondir cette capacité à intégrer le mouvement qui est en
eux, mais qui n'a pas encore trouvé de sens ou de logique.
Ikkyo est un exemple parlant. En
Aïkido, comme pour le corps humain où ce qui nous permet de tenir
debout, ce n'est pas notre geste mais notre squelette, l'important
est ce qui est derrière le geste.
« L’essentiel est invisible
pour les yeux ».